4 janvier 2008
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18:15
Puis j'ai enchainé avec "Gone baby gone", le premier long métrage réalisé par Ben Affleck au cinéma.
Dans une banlieue ouvrière de Boston, la petite Amanda a disparu. Après l'échec des recherches menées par la police, la tante et l'oncle de l'enfant décident de faire appel à des détectives privés du coin, Patrick Kenzie et Angie Gennaro.
Ma première impression a été : l'histoire, le contexte, la réalisation me font penser à "Mystic River". Sentiment amplement justifié car "Gone baby gone" est un roman éponyme de Dennis Lehane, déjà auteur de "Mystic River", porté à l'écran avec bonheur par Monsieur Clint Eastwood.
"Gone baby gone" est avant tout un cadre urbain , celui des faubourgs de la ville de Boston. Un lieu ou évoluent des gens à la limite de la pauvreté, des marginaux, des dealers, des drogués, des pédophiles et quelques êtres qui tranchent par leur "normalité".
Au sein de ce monde bien inquiétant se produit le pire des drames : une petite fille disparait. La communauté est en émoi.
Il serait malvenu de ma part de vous révéler le sel de l'intrigue. L'histoire peut se lire à plusieurs niveaux. Les ultimes révélations sont à la fois originales, bouleversantes et bien mises en scène. Trop vous en dire vous gacherait à coup sûr votre plaisir.
Cependant "Gone baby gone" tranche par sa construction impeccable, par la mécanique implacable du scénario. Les rebondissements sont nombreux. L'intrigue est prenante. On ne peut pas rester insensible face aux situations rencontrées. La compassion, la révolte, la colère sont des sentiments qui m'ont animé en tant que spectateur.
Parfois critiqué en tant qu'acteur pour certains choix de carrière pas très judicieux, Ben Affleck fait une entrée fracassante dans le monde de la réalisation. Maitrise totale du sujet, découpage rigoureux des scènes, aucun temps mort, et une mise en valeur d'une formidable galerie de personnages.
Les spectateurs croisent en effet des personnes pas très fréquentables, des individus en marge mais aussi des gens "biens". Et l'originalité tient au fait que leur être profond n'obéit pas aux lois du manichéisme traditionnel et rébarbatif : ces hommes et ces femmes ne sont pas d'un bloc. Ni bien intégral, ni mal absolu, mais tout un tas de nuances.
L'exemple le plus significatif s'incarne dans la mère de la petite fille disparue : elle souffre comme toute femme dans sa situation mais elle est aussi une droguée à la cocaïne et fait la "mule" de temps en temps (elle transporte de petites quantités de drogue pour un dealer du coin).
En toile de fond se trouve aussi une réflexion sur les valeurs morales et humaines de notre société. Rien n'est tranché ici. Les personnages ont le choix d'adopter le comportement qui leur sied le mieux. "Gone baby gone" est un film où des décisions sont prises. Le bonheur et/ou le malheur sont au tournant.
Le choix ultime qui est à la base de l'intrigue est le suivant : que seriez vous prêt à faire pour un enfant ? Pour son bonheur ?
Le génie du réalisateur (je n'ai pas lu le livre mais je peux supposer que le procédé est le même) est de laisser aussi le choix aux spectateurs. La porte n'est pas fermée, pas de solution "miracle". A vous de vous forger votre propre opinion.
Ben Affleck ne cherche à moraliser son film, il ne tient pas à nous dire "ceci est le bon comportement". Je pense, sans faire de la philosophe de bas étage, que le thème central de "Gone baby gone" est le libre arbitre de l'Homme face au péril qui le menace, à plus forte raison lorsqu'il s'agit d'un enfant.
Ben Affleck offre à son frère Casey la chance d'être enfin sur le devant de la scène. Son véritable premier grand rôle même si ce dernier a déjà une solide expérience de comédien. Son jeu est juste, profond, émouvant. Son personnage est tour à tour fragile, sûr de lui. Sa prestation crève l'écran.
Michelle Monaghan nous touche par la grâce de son personnage et Amy Ryan nous révolte par son comportement de mère toxicomane.
Morgan Freeman se bonifie avec les années, son omniprésence dans le final est remarquable. J'accorde (très humblement) une mention spéciale pour le formidable jeu d'Ed Harris. Une fois de plus sa prestation m'a sctoché.
"Gone baby gone" est un thriller poignant, passionnant, rythmé. Un long métrage qui a de la forme et du fond. En cette période où de plus en plus d'enfants disparaissent de part le monde, un tel film amène à nous faire réfléchir. Un miroir géant où nous pouvons toutes et tous nous regarder.