La franchise "Batman" était moribonde au début des années 2000. Après les deux excellents volets dirigés parTim Burtonen 1989 et 1992, l’homme chauve souris s’est égaré dans des chemins de traverse. Des séquelles plus que douteuses ont vu le jour, au grand dam des fans.
En 2005,Christopher Nolana réalisé un coup de maître en mettant en scène un Batman différent dans "Batman Begins". Un long métrage unanimement salué par les spécialistes et les cinéphiles.
Mais ce n’était qu’une mise en bouche. Le plat de résistance s’annonçait royal, il le fut.
"The Dark Knight, le Chevalier Noir" fait parler de lui depuis plus d’un an. Les critiques attendaient Christopher Nolan au coin du bois. En France le long métrage a été précédé par une réputation flatteuse et des records d’entrées/de recettes battus ici ou là. Cela faisait quelques jours que je piaffais d’impatience. Ce matin j’ai enfin franchi le rubicon.
Batman (Christian Bale), assisté par le Lieutenant Gordon (Gary Oldman) sont sur le point de mettre la pègre de Gotham City hors jeu. Les deux hommes sont aidés dans leur lutte par le Procureur Général de la ville Harvey Dent (Aaron Eckhart) qui est bien décidé à anéantir le crime organisé.
Mais un criminel d’une autre race fait sons apparition dans les rues de la cité : le terrible Joker (Heath Ledger). Affublé d’un maquillage hideux et affranchi de toute morale, le criminel fait régner la terreur et le chaos.
Batman est à un tournant de son existence. Le protecteur de la ville de Gotham est-il vraiment le seul espoir pour une ville autrefois rongée par le crime et la corruption ? D’autant que Bruce Wayne a payé le prix fort : le milliardaire s’est progressivement éloigné de son éternelle fiancée Rachel Dawes (Maggie Gyllenhaal). L’heure est aux doutes…
Je ne tournerai pas dix minutes autour du pot : "The Dark Knight, le Chevalier Noir" est LE long métrage de l’année 2008. Un concentré de bonheur cinématographique. Peut-être le meilleur film de super héros de toute l’histoire.
Le scénario est d’une finesse incroyable et d’une précision chirurgicale. Tout est juste et chaque élément trouve sa place. Christopher Nolan donne de la densité à chaque personnage. Toutes les scènes du film sont justes, équilibrées. Rien de gratuit. La réalisation va au-delà de nos espérances les plus folles. Le montage et le découpage de l’œuvre sont l’un des nombreux points forts du film.
L’histoire est riche. Le rythme du film est incroyable. Le spectateur assiste incrédule à un enchaînement de séquences hallucinantes. "The Dark Knight, le Chevalier Noir" repousse bien des limites et renvois à leurs études les tacherons qui avaient assassiné la franchise "Batman".
L’ensemble est ambitieux, truffé de surprises et de rebondissements. Nous sombrons au cœur d’une ville pourrie par la corruption. Batman a pu lutter avec efficacité contre la pègre mais l’apparition et la prise de contrôle du Joker sur le crime semblent le déstabiliser.
Plastiquement le long métrage de Christopher Nolan est superbe. Le cadre urbain est pesant. Le climat qui règne pendant près de deux heures trente n’incite pas à l’optimisme. Les scènes nocturnes traduisent selon moi les sombres pensées qui assaillent Batman.
Techniquement le long métrage est mesuré. Les explosions pyrotechniques sont disséminées à bon escient. Les courses poursuites sont endiablées, prenantes. L’homme chauve souris a des gadgets high-tech mais leur présence ne nous incommode pas. Christopher Nolan a su trouver le "la" dans ce domaine.
Batman nous apparaît comme un être torturé par des démons intérieurs. Est-il le seul espoir de Justice pour la ville ? L’apparition du Procureur Dent, érigé en Chevalier blanc, ne permettrait-elle pas au "Caped Crusader" de prendre du recul. Notre héros se trouve à un carrefour de sa vie. Doit-il abandonner le costume noir pour se rapprocher de Rachel Dawes ?
Le film s’articule autour du thème de la Justice et impose une réflexion sur les limites du pouvoir détenu. Le juste combat est poussé dans ses ultimes retranchements. L’avènement d’un méchant et l’apparition de double face entraîne Batman en territoire inconnu et le force à passer au révélateur. Le Chevalier noir est prêt à en payer le prix mais son combat fera à coup sûr des dommages collatéraux.
L’habileté de Christopher Nolan est de mettre en place cette thématique sans jamais nous imposer une vision unique des choses. Le spectateur est libre de se forger sa propre opinion. Le film pose des questions mais les réponses nous appartiennent. Son super héros subit une crise dans son existence. Il est prêt à endosser les crimes d’un autre pour sauver la mémoire d’un homme, de peur que la ville sombre dans l’anarchie.
L’un des points du film est son casting. Christian Bale joue de la dualité de son personnage avec merveille. Bruce Wayne est un gagnant, sûr de lui mais Batman est rongé par le doute malgré son acharnement à lutter contre le crime.
Gary Oldman est comme d’habitude génial. J’adore cet acteur. Sa composition de policier intègre est une fois de plus juste. Il est le pendant du Chevalier noir, la pierre angulaire d’un système qui se bat contre la gangrène de la corruption.
Notons avec sympathie la présence à l’écran de deux monstres sacrés :Michael Caine(Alfred) etMorgan Freeman(Lucius Fox). Les deux acteurs font preuve de leur habituel professionnalisme.
Maggie Gyllenhaal remplace avantageusementKatie Holmes(plastiquement et sur le plan du jeu d’acteurs). L’actrice impose une présence discrète mais remarquée.
Aaron Eckhart donne du corps à double face. L’ambivalence du personnage se ressent à l’écran. Par la force des choses (et surtout à cause du Joker) la figure de preux chevalier, qui souhaite plus que tout chasser les criminels, voit l’enfer s’ouvrir sous ses pieds et l’acteur réussit à nous offrir un jeu riche, différent, nuancé. Une vraie réussite.
Mais la star du film est bien sûr Heath Ledger. Son interprétation du Joker est époustouflante. L’acteur joue un criminel psychotique vraiment inquiétant, troublant même. En deux heures trente, Heath Ledger a réinventé la figure du méchant et la triste figure de ce Joker restera bien longtemps dans nos esprits.
On peut se demander parfois ce qui peut passer par la tête de certains êtres humains. Heath Ledger avait tout l’avenir devant lui. Dans "The Dark Knight, le Chevalier Noir" il nous éblouit par l’humour noir, les tics nerveux (ahh la langue), l’immoralité de son personnage. Une triste figure mais au combien jouissive pour le cinéphile.
"The Dark Knight, le Chevalier Noir" est un long métrage à l’extraordinaire dramaturgie. Christopher Nolan a mis en scène un héros en proie aux doutes. Porté par une réalisation sans faille, une interprétation de choix, le long métrage nous propose une histoire pleine de finesse, de richesse et de densité.
Hollywood a compté dans ses rangs des metteurs en scène de talent. S’il ne cède pas aux sirènes de la facilité et des films de commande, Christopher Nolan sera l’une de ses valeurs sûres dans l’avenir.
Quel film !!!
Ps : oubli incroyable de ma part. Rendons à César ce qui lui appartient. La partition musicale signée parJames Newton Howardet deHans Zimmerest à saluer par un tonnerre d’applaudissements.
Comme quoi, on peut faire un blockbuster intelligent, sombre, beau et grand public... Par contre, j'ai essayé de revoir le batman de Burton, et malheureusement l'oeuvre a pris un sacré coup dans l'aile...