Peut on innover, surprendre encore son petit monde, ravir les fans quand on a inventé un genre cinématographique et qu’on détient les clefs du temple ?
Le cinéaste américain a creusé sa propre voie il y a 40 ans avec "La nuit des morts vivants" (prenez le temps de lirel’excellente chronique de Sam’sà l’occasion) et a enchaîné les succès depuis. Souvent copié, plagié, le maître de l’horreur signe un nouveau chef d’œuvre. Les longs métrages de George A.Romero sont inégalables et inégalés.
Une histoire passionnante, un scénario précis, des personnages entiers, un brin d’humour, une technique parfaite (incroyable maîtrise de la caméra), un climat d’angoisse saisissant et une tension palpable à chaque instant sont parmi les éléments notables.
Mais ce qui fait le charme des films de Romero est leur toile de fond. Car les « films de morts vivants » servent à dénoncer les vices et les tares de nos sociétés. Dans "Zombie" une poignée de survivants trouvait refuge dans un centre commercial. La dénonciation de la société de consommation et du consumérisme à outrance était évidente.
Dans "Diary of the Dead" le maître de l’horreur s’attaque avec force et virulence aux médias. De jeunes cinéastes en herbe mettent en boîte un film d’horreur. Une momie revenue d’outre tombe sème la terreur (clin d’œil appuyé aux films de genre des années 60) et s’en prend à une prude jeune femme. Le film, sorte de TP de fin d’études est presque fini.
Mais la vie de nos jeunes gens et de leur professeur bascule dans l’horreur. Le monde qui les entoure vacille. Les médias se font l’écho d’une terrible nouvelle : les morts reviennent à la vie et tuent les vivants.
L’un des étudiants, Jason (Joshua Close) décide de continuer à tout filmer, histoire de laisser une trace des événements chaotiques qui sont en train de se dérouler. L’autre but avoué est de répandre LA vérité alors que "l’establishment" (les organes de presse officiels relais sans morale du pouvoir) ment au peuple. Les vidéos tournées seront des témoignages sans contestation possible qui rendront compte que le monde est au bord du précipice.
Les pérégrinations de nos tristes héros prennent la forme d’une fuite en avant. Même si Debra (Michelle Morgan) souhaite retrouver ses parents et la maison familiale, symbole de la bulle protectrice par excellence, le voyage apparaît comme un saut vers l’inconnu, un pari perdu d’avance. La mort rode à chaque instant.
Les bonnes mœurs, la politesse, les convenances laissent leur place à des préoccupations primaires : manger, boire et surtout survivre. Au-delà de la répugnance initiale, tuer devient un acte obligatoire quasi automatique. La spirale est infernale. Et le tout sous l’œil omniprésent et omniscient des caméras (notre groupe a récupèré une seconde caméra lors du périple).
Caméras de télévision, caméras de surveillance, caméscopes numériques sont les yeux qui observent tout, qui rendent compte de l’horreur à chaque seconde. Notre vidéaste amateur filme tout. La moindre conversation intime, chaque décès. Rien n’échappe à l’objectif obscène. La caméra tourne et tourne, le disque dur se remplit et l’acte agît comme une drogue. Le processus de perversité, reflet de notre époque, est poussé à son paroxysme.
"Diary of the Dead" s’attaque à l’ampleur du phénomène médiatique. Notre vie est réglée par la succession inéluctable d’informations en tout genre. Chaque jour, chaque heure, chaque minute l’être humain est abreuvé, nourri par des milliers de nouvelles. Mais si toutes ces informations étaient objectives, nous n’aurions pas trop à nous plaindre, mais tel n’est pas le cas. L’information sert toujours quelqu’un alors de nombreux filtres sont appliqués. La déformation et l’exagération sont notre lot quotidien.
Dans "Diary ofthe Dead", Internet est aussi visé. Nos vidéastes mettent en ligne leurs vidéos pour informer le public mais la finalité reste quand même sujet à cation : l’intérêt de l’acte réside-t-il dans le fait que la bonne parole soit portée de part le monde ou dans la comptabilité du nombre de clics ?
L’envers du décor est que la toile, par le biais de l’image capturée, permet de répandre de fausses rumeurs, de vaines polémiques et les démentis ou les corrections n’arrivent pas souvent à éteindre les incendies provoqués.
Dans "Diary of the Dead" , Romero use des bonnes vieilles recettes du passé qui ont fait sa réussite. Les scènes de gore sont savamment dosées et entretiennent notre angoisse. Car le film sans faire "peur" au sens classique du terme laisse quand même l’angoisse s’installer en nous comme un poison dans nos veines. La tension est palpable. Les lieux déserts et inconnus, l’obscurité et le silence réveillent de vieilles peurs claustrophobes. Romero joue avec nous et ça marche.
Je m’étais dit que j’avais tout vu avec lui et le cinéaste m’a encore surpris. J’ai retenu mon souffle à deux ou trois reprises. Les morts vivants sont effrayants. Leurs attaques sont…tranchantes et leur mort est parfois originale (je n’en dis pas plus). Bravo Monsieur Romero.
Romero fait évoluer sa technique. A l’inverse d’un film "posé" avec de longs travelling ou des plans fixes, "Diary of the Dead", à la manière d’un "[REC]", ressemble à un reportage "télévisé", tiens donc. L’utilisation de caméras à l’épaule donne de la nervosité, du rythme à l’ensemble. L’urgence est de mise.
Les comédiens sont vraiment excellents. Pas facile de trouver sa place dans ce genre de film. Chaque protagoniste arrive à imposer sa marque. J’ai particulièrement apprécié la prestation deScott Wentworthdans le rôle du professeur, au cynisme éxacerbé, champion de tir à l’arc sur le tard. Etonnant.
"Diary of the Dead" n’est pas un film de zombies de plus. Romero signe un petit bijou sur le fond et la forme. Son regard sur notre société est acéré, sans illusion presque. Tout va trop vite. L’information n’échappe pas à cette constante.
Un pied énorme. Un film qui nous donne du grain à moudre, un long métrage angoissant par moments et qui arrive parfois à nous faire sourire. George A.Romero a réussi son retour sur le devant de la scène, au grand dam de ses détracteurs.
Je ne sais pas quoi penser de ce nouveau Romero. J'avais beaucoup apprécié le dernier "Land of the dead" mais j'ai un peu peur que le cinéaste est perdu de sa superbe.Même si ton article est très interessant, le doute persiste. Peut-être que par curiosité, je me laisserai tenté.Thib.
Romero a vieill comme son publicil a creusé sa propre voie et arrive encore à nous suprendreje suis d'accord avec toi, le film va acquérir dans les prochaines années son statut de long métrage "culte" laissons faire le temps