Une fois de plusBabymads'est prêtée au jeu. Devenue festivalière, elle a assistée à la projection de "Serbis" entre autres et a rédigé une chronique. Avec son accord, je vous livre ses mots.
Qu'il me soit encore permis de lui exprimer toute ma reconnaissance.
Lorsque j'ai eu mon invitation entre les mains, je n'ai pas réfléchi à savoir de quoi le film allait parler. Pourtant, j'aurais pu me douter que Serbis signifiait service. Mais pour votre gouverne, sachez que quand on s'apprête à fouler le tapis rouge, on ne se fiche bien de savoir si le film va être bien ou non!
Dès la première image, on est saisi par cette jeune fille nue, en train de jouer la midinette en répétant des I love you devant son miroir. Pourtant, le travelling qui parcourt son corps est fait avec soin, beauté. On est frappé par l'attitude de la jeune fille, mais absolument pas par sa nudité. Je remarque que quand même nous vivons dans une société où les tabous tombent de plus en plus, c'est sans doute aussi pour cette raison qu'on garde une certaine passivité devant ces images.
L'endroit est délabré. Les murs taggués. Les toilettes bouchés. Serbis, c'est l'histoire d'une famille qui vit grâce aux revenus générés par son cinéma X. C'est aussi l'histoire d'une famille pauvre, démunie et condamnée à le rester. Tout le long du film, Mendoza s'applique à nous montrer à quel point le marché du sexe est en déclin. Sur trois salles de cinéma, la famille a été obligée d'en fermer deux. Les jeunes projectionnistes s’adonnent à des activités sexuelles comme on se lève pour aller au travail. Ce qui frappe le plus, c'est l'enfant de 6 ans qui découvre trop tôt ce qu'est l'impudeur, c'est l'âge curieux où rien ne lui est caché.
Les dialogues sont peu nombreux (hé oui, on ne parle pas la bouche pleine ... mdr!) mais la plupart ont leur intérêt. Même vulgaire et gênant, chacun apporte à sa manière une touche de peinture qui finit sur un tableau consternant. Tout ce qui résume la vie de la famille n'est que « saleté », et cela dans tous les sens du terme. Nanay Flor, la grand-mère et la fondatrice du cinéma dit d'ailleurs quelque chose de fort: « j'ai créé ce cinéma pour que vous puissiez vivre décemment ». J'ai d'abord cru à une parole ironique, mais malheureusement pour moi (enfin surtout pour la famille!!), il n'y a rien d'ironique là dedans. Est-ce réellement décent de survivre en exploitant la pornographie? Mendoza a puisé son dialogue là où ça fait mal: sans retenue, il dresse un portrait assez fataliste de la classe populaire voire pauvre des Philippines.
Lors d'une projection, une chèvre arrive à rentrer dans la salle de cinéma. Soulignant à nouveau le délabrement de l'endroit, la chèvre peut représenter à la fois le spectateur, placé contre son grès en position de voyeur, ainsi que l'animalité de l'homme, qui se laisse aller à des plaisirs érotiques.
Depuis le début du film, beaucoup de spectateurs cannois, choqués par les images fortes, ont déjà déserté la salle. Les critiques des journalistes se sont faites assez dures dans l'ensemble. Toujours la même question, « pourquoi un film porno en compétition officielle? » Peut-être parce qu'en fond, il y a un réel message, que même les journalistes semblent n'avoir pas perçu. Peut-être aussi parce que le porno était un sujet tabou à faire tomber? Il est clair que cette année, les films présentés (toutes catégories) sont assez portés sur la chose.
Le film d'Andreas Dresen, "Wolke 9", présente une femme de 60 ans qui retombe amoureuse, et où les scènes d'amours sont filmées sans retenue, et en même temps avec une extrême pudeur. Et si finalement, le sexe faisait simplement partie de notre vie? Je crois que c'est une étape à laquelle chacun est confrontée, et que la seule chose qui a choqué, c'était que le cinéaste n'hésite pas à la mettre en lumière.
Que ceux qui n'ont jamais eu de relations sexuelles lèvent la main ...