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total ciné : un espace de liberté pour les fans de cinéma et les autres. Venez nombreux pour partager ma passion.

"There will be blood"

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C'est fait : ce matin j'ai enfin vu "There will be blood" de Paul Thomas Anderson. Un film formidable, grandiose, démesuré. Un tour de force cinématographique. Une jalon posé à jamais dans l'Histoire du septième art.

Le long métrage nous entraine pendant trois décennies (de 1898 à 1927) sur les pas d'un entrepreneur du pétrole, Daniel Plainview (Daniel Day-Lewis).

Dans la sueur, le sang et les larmes, cet homme se forge une réussite économique certaine mais connait au soir de sa carrière une déchéance morale irrévocable. Son égo, sa soif de réussir ont fait le vide autour de lui. Son mépris de l'autre lui fait voir en son propre fils un concurrent direct. Pauvre vie. Si je devais résumer l'existence de ce prospecteur en une phrase, permettez moi de paraphraser la dernière citation du livre "L'or" de Blaise Cendrars :

"J'étais l'homme le plus riche du monde et le pétrole [lire l'or en vrai] m'a ruiné".

Le film, basé sur le roman "Pétrole" d'Upton Sinclair, est avant tout une fresque historique au travers de la saga d'un homme. Dans "Il était une fois dans l'ouest" Sergio Leone mettait en relief l'importance capitale du chemin de fer dans la croissance de la nation américaine. Dans "There will be blood", P.T Anderson choisit de nous présenter un autre moment de l'histoire américaine : celui des années du tout-pétrole.

Daniel Plainview est un homme du pétrole qui "grandit" dans un début de XXe siècle économiquement florissant. Mais cette ascension est sans concession. Il négocie au prix le plus minime les terres des fermiers où se trouvent les gisements potentiels.

L'appât du gain lui fait ainsi connaitre la petite communauté de Little Boston. Une petite bourgade qui connait un renouveau évangélique avec le prédicateur Eli Sunday (Paul Dano).

L'un des attraits de ce long métrage est sa dimension religieuse. Daniel Plainview est constamment gêné dans ses agissements par la présence de ce personnage qui se nomme prophète. Pendant deux heures trente, le spectateur s'interroge sur la sincérité de la Foi de ce pasteur des âmes. La scène finale apporte certes une réponse mais le réalisateur nous laisse libre de juger par nous-même. Personnellement je pense qu'Eli Sunday est un faux prophète qui monnaye sa prédication. Mais cela n'engage que moi.

Dans "There will be blood", la religion n'est pas abordée sous l'angle de son aspect fédérateur. Elle sert plutôt de terrain d'affrontement entre deux fortes personnalités. Il n'y a pas d'amour mais plutôt de la haine. Dans les derniers instants du long métrage nous sombrons même dans l'horreur. Tout se joue mais tout se perd surtout.

Les scènes où Eli Sunday chasse le démon tiennent plus du grand guignol qu'autre chose. Suprême blasphème : Daniel Plainview doit simuler une foi nouvelle pour obtenir la concession d'un terrain. P.T Anderson filme un univers religieux vraiment original mais surtout dérangeant.

Dans "There will be blood", le cinéaste brosse le portrait au vitriol d'un homme atteint par la démesure. Un être qui veut toujours plus, qui ne veut pas passer la main. L'occasion lui est maintes fois donnée de s'associer avec des conglomérats, son refus marque un entêtement proche de la folie.

Le réalisateur écorne au passage le mythe du self made man américain qui nous est servi depuis plus d'un demi-siècle. Entre 1900 et 1930, des salauds ont du exister dans cet "univers impitoyable" (je ne pouvais pas la rater celle là), P.T Anderson nous en montre un.

Daniel Plainview a un fils H.W (Dillon Freasier). Dans le film leurs rapports sont étranges. On ressent que le père a de l'amour pour sa progéniture (allez voir le film concernant cette "filiation") . Le destin du pétrolier bascule le jour où son fils est blessé. Tout le mépris du monde et sa haine de l'autre explosent. La violence se déchaine.

Mais paradoxallement la père choisit d'éloigner son fils à cette occasion. L'enfant vit très mal ce rejet. Leurs relations resteront au point mort par la suite. L'ultime échange entre les deux m'a fait froid dans le dos. Daniel Plainview vomit un discours de haine. On a du mal à le porter dans notre coeur.

Sur la forme la réalisation de P.T Anderson surprend dès les premiers instants du long métrage. Le film s'ouvre par une séquence de dix minutes sans la moindre parole. Le rythme est donné par la respiration du héros qui lutte sans repos au fond d'un trou infâme. On se rend compte que l'œuvre sera brutale. Tout le reste du film est truffé de paris techniques. A l'exemple de la scène où Daniel Plainview et son fils se retrouvent. L'ensemble est filmé en plan large. Le passage aurait pu être mièvre mais l'absence de gros plans (en champs/contre champs) enlève tout forme d'émotion.

L'un des éléments majeurs de ce film est sa musique. Une composition de Jonny Greenwood de Radiohead qui prend le pari de retranscrire musicalement tout un univers industriel. Des coups de pioche et de marteau battent la mesure tel un métronome. L'ensemble est obsédant, atypique. On frémit. Le son se fait l'écho de sentiments humains bien sombres, aussi noirs que le pétrole.

"There will be blood" est un film visuellement parfait. L'alternance de scènes de journée où la lumière sature la pellicule et des passages dans l'obscurité relèvent d'une alchimie bien maitrisée. L'une des images fortes du film se situe au moment où un derrick de pétrole brule en pleine nuit. Le contraste est saisissant.

Point de grand film sans grands acteurs. J'ai déjà eu l'occasion de vous faire partager ma passion pour Daniel Day-Lewis (ici) mais j'étais encore loin du compte. Son interprétation est phénoménale. Dans certains films, on "voit" le personnage et l'acteur. Dans "There will be blood" le processus de fusion est total. L'identification du comédien au personnage de Daniel Plainview confine au génie, tout simplement. L'acteur donne une force incroyable à cet homme de pétrole. Ses regards, ses silences, sa gestuelle mettent en évidence une certitude : le rôle était fait pour lui.

Mais l'immense figure de Daniel Day-Lewis ne fait pas de l'ombre au reste du casting.

Paul Dano arrive à tirer son épingle du jeu. Au départ je pensais que sa figure juvénile était un handicap pour porter sur ses épaules le poids d'un tel rôle. Bien au contraire, ce paradoxe est l'une des nombreuses qualités du film : le prédicateur est jeune mais le jeu de Paul Dano est sûr et plein d'expérience.

A leurs côtés le jeune Dillon Freasier impose pour son premier rôle une présence discrète mais non dénuée d'intérêt.

"There will be blood" nous plonge au milieu d'un drame. Le film ne nous chante pas les louanges de la sacro sainte réussite économique. Le mythe a vécu. Paul Thomas Anderson n'hésite pas une seule minute. Sa vision de l'industrialisation n'est guère optimiste. Au travers le portrait d'un homme, le réalisateur réécrit l'histoire à sa manière. Un entrepreneur qui vit du pétrole, pour le pétrole et qui sombre mentalement au seuil de la crise économique des années 30.

Nul espoir de pardon ou de rédemption pour des êtres de cette trempe là.
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S
yessssssssssssssssssssssssss
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L
En fait, pour faire court et ne pas dénaturer tes sentiments, je dirais cher Samom que :Tu as aimé ce film (NB : J'sais que l'ami Samom connait mon humour)
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P
Bonjour !Ton article est passionant, bien plus attirant que la bande-annonce qui ne m'a pas fait grande impression. Je pense aller voir ce film dans les jours qui viennent. Cela permettra de comparer nos avis.Bisous,Pénélope.PS : pour le page "toutes les affiches" voilà la procédure que j'ai suivie :001> dans /Administration/ je choisis /Publier/002> dans /Publier/ je choisis /Pages/003> dans /Pages/ je choisis /Ecrire une nouvelle page/004> dans la nouvelle page j'ouvre un tableau de 9 colones005> dans chaque case j'insère une photo au format 100 pixels006> à chaque photo j'associe un lien hypertexte vers l'article007> dans /Administration/ je choisis /Configurer/008> dans /mise en page/ j'administre le module /Pages/Voilà j'espère que c'est compréhensible LOL !
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